Les minéraux critiques et les chaînes de valeur liées à l’énergie constitueront un domaine de coopération de plus en plus important entre l’Afrique et l’Europe en 2030, même s’il existe de nombreuses inconnues à cet égard.
À mesure que l’Europe intensifie ses efforts pour réduire sa dépendance à l’égard de la Chine (réduction des risques), la demande de matières premières des pays africains va augmenter. Cela s’appliquera notamment aux minéraux nécessaires à la transition verte (comme le cuivre et le cobalt), ainsi qu’aux importations d’énergie(surtout l’hydrogène). Les pays africains négocieront dans une position de force relative, compte tenu de la demande mondiale croissante de ressources et d’énergie.
En quête d’une offre convaincante « gagnant-gagnant », l’Europe a intensifié ses efforts politiques pour démontrer son engagement en faveur de la transformation structurelle des industries locales africaines, en soutenant le développement de chaînes de valeur durables et résilientes et en créant des emplois.
Par exemple, en 2023, l’UE a signé des partenariats stratégiques sur les chaînes de valeur des matières premières critiques avec la République démocratique du Congo et la Zambie. L’Afrique semble bien placée ici.
Cela signifie-t-il que les pays africains bénéficieront d’un plus grand contrôle sur les chaînes de valeur liées à l’énergie et d’une plus grande part de la création de valeur ?
Les propositions externes actuelles, telles que le portail mondial de l’Europe, suggèrent que c’est le cas. Nous avons commencé nos délibérations prospectives à partir de cette hypothèse politique bien établie, mais sommes arrivés à une conclusion différente.
Nous suggérons que même si les chaînes de valeur liées à l’énergie deviendront un élément central de la coopération Europe-Afrique, le contrôle et la part des pays africains ne changeront pas nécessairement de manière significative (au moins d’ici 2030), car d’autres tendances sont plus décisives.
La première d’entre elles est la multipolarité : les tendances mondiales en matière d’énergie et de climat seront définies par la demande et les émissions en Chine, et non en Europe. La Chine sera le leader mondial des technologies renouvelables. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis augmenteront également leurs investissements dans les secteurs essentiels des minéraux et des énergies renouvelables en Afrique.
Les États-Unis auront pris des mesures pour devenir un acteur important dans le secteur minier de certains pays africains, même si l’élection présidentielle de 2024 laisse planer une grande incertitude sur l’avenir des relations Afrique-États-Unis.
Nous suggérons que d’ici 2030, l’Europe aura commencé à mettre en œuvre des politiques liées au Green Deal (en particulier la loi sur les matières premières critiques) dans certains pays africains. Les activités actuelles sur le corridor de Lobito, en coopération avec les États-Unis, et l’accord sur l’hydrogène entre l’Allemagne et la Namibie sont révélateurs de cette tendance.
Cependant, la tentative de l’Europe de positionner son offre aux côtés d’acteurs établis comme la Chine échouera pour plusieurs raisons.
Premièrement, la mise en œuvre de changements structurels prendrait beaucoup plus de temps.
Deuxièmement, la Chine reste fortement intéressée par l’accès au marché et les accords de ressources à grande échelle avec les pays africains, malgré son virage vers de « petits et beaux » projets dans d’autres secteurs.
Troisièmement, même si la demande de produits de base africains est de plus en plus compétitive, les pays africains riches en ressources n’en bénéficieront pas automatiquement. La République démocratique du Congo et la Zambie, par exemple, restent dépendantes d’un petit nombre de sociétés minières.
Enfin et surtout, la dynamique politique en Europe est susceptible d’influencer la coopération Afrique-Europe.
Si l’Europe manifeste actuellement un intérêt croissant pour la politique internationale en matière de climat et d’énergies renouvelables, elle met également en œuvre des politiques nationales qui seront perçues comme protectionnistes.
Si nos hypothèses sur l’instabilité politique en Europe s’avèrent correctes, des changements de politique peuvent être attendus.
Une UE composée d’une majorité de gouvernements nationaux d’extrême droite poursuivra une approche résolument différente en matière de commerce extérieur et de promotion des investissements, et pourrait bien abandonner les politiques de pacte vert et de durabilité qui sous-tendent la réflexion actuelle sur la coopération Afrique-Europe.
Nous concluons que les relations avec l’Europe ne seront pas décisives pour le rôle de l’Afrique dans les chaînes de valeur liées à l’énergie.
Les facteurs cruciaux seront la stabilité politique, les effets positifs de la multipolarité, ainsi que la coopération stratégique africaine et l’intégration économique régionale.
La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), par exemple, devrait améliorer l’efficacité des marchés et faciliter le commerce et les investissements – et ainsi contribuer à renforcer l’agence africaine.
Extrait tiré du rapport issu du projet Megatrends Afrika qui a mené une analyse des tendances stratégiques pour explorer les évolutions futures possibles des relations Europe-Afrique. En collaboration avec un groupe d’experts, certaines tendances stratégiques susceptibles d’influencer les relations entre les continents en 2030 ont examinées.
Pour télécharger le rapport, cliquer sur le lien :
The Future of EuropeAfrica Relations: Mapping Strategic Trends for 2030