La récente adhésion de l’Union africaine (UA) au G20 a soulevé des questions quant à sa volonté de représenter les intérêts de l’Afrique et d’influencer la politique mondiale en matière de changement climatique, d’énergie et de réforme des organismes multilatéraux.
Même s’il existe un consensus sur la nécessité d’une voix africaine forte dans la gouvernance économique et politique mondiale, les experts s’interrogent sur la capacité de l’UA à parvenir à un consensus sur les priorités du continent, compte tenu des divisions entre ses États membres.
Qui devrait représenter l’Afrique au G20 ? Les membres de l’UA céderaient-ils le pouvoir à la Commission de l’UA d’agir en leur nom ? Les pays africains pourraient-ils présenter des positions unifiées lors du forum ? Et quel type d’influence l’UA peut-elle y exercer ?
Le 37ème sommet de l’UA qui vient de s’achever donne lieu d’être optimiste quant à la capacité de l’organisation à promouvoir les intérêts de l’Afrique sur la scène internationale, tout en aidant à résoudre les problèmes mondiaux. Le sommet a défini les priorités du G20, fixé les modalités de participation et clarifié la manière dont la participation de l’UA serait financée.
Les six priorités de l’UA au G20 au cours des trois prochaines années sont : accélérer l’Agenda 2063, plaider en faveur de la réforme des institutions financières internationales, améliorer la production agricole, parvenir à une transition énergétique juste, accroître le commerce et les investissements pour le déploiement de la Zone de libre-échange continentale africaine. et améliorer la cote de crédit de l’Afrique pour stimuler les investissements dans la fabrication de vaccins et la réponse à la pandémie.
Les États membres financeront la participation de l’UA à travers le budget ordinaire de l’UA et des subventions d’institutions financières africaines telles que la Banque africaine de développement et la Banque africaine d’import-export. Pour les activités préparatoires internes, les fonds des partenaires de développement seraient également utilisés.
Le sommet a confirmé que les États membres – représentés par le président tournant de l’Assemblée de l’UA – dirigeraient la délégation de l’UA au G20, avec l’aide de la Commission de l’UA. Cela signifie que le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani (président de l’UA en 2024) et Moussa Faki Mahamat (président de la Commission de l’UA) dirigeront la délégation africaine au G20 de décembre 2024 à Rio de Janeiro.
Cette décision reflète la réticence persistante des pays de l’UA à permettre à la Commission de l’UA de représenter l’Afrique à l’échelle mondiale. Néanmoins, cela présente des opportunités de collaboration entre la commission et les États membres, notamment à travers le Sherpa du G20, que la Commission de l’UA nommera.
Le choix du Sherpa et du Sous-Sherpa a été controversé. Il s’agit de deux nominations cruciales pour la machine diplomatique du G20, mais la manière dont elles seront sélectionnées reste floue. Cela confirme les inquiétudes quant à la capacité de l’UA à parvenir à un consensus en raison du manque de ressources des États membres, de la faiblesse des processus et d’une volonté politique insuffisante.
Les membres du G20 de l’UA exigent des positions rapides et claires sur des questions dépassant les frontières de l’Afrique. La prise de décision au sein de l’UA a souvent été entravée par l’absence d’accord sur des questions clés, en partie à cause du grand nombre de pays (55) impliqués. Toutefois, cela ne diminue en rien l’influence potentielle de l’UA.
L’inclusion de l’UA dans le G20 rompt avec le principe central du club, selon lequel les membres représentent les plus grandes économies du monde. Étant donné que l’Afrique représente à peine 4 % du PIB mondial , les membres du G20 prendront-ils ses opinions au sérieux ?
Des discussions officieuses avec des analystes européens suggèrent que l’UA pourrait finir par légitimer la domination des pays du Nord en matière de gouvernance économique et financière sans réellement influencer les résultats du G20. Pour éviter cela, l’UA doit structurer son plaidoyer autour de l’interconnectivité mondiale de l’Afrique.
Le développement du continent est trop important pour que les économies du Nord ne prennent pas l’UA au sérieux. La peur des alternatives à l’Occident est très présente dans l’esprit des dirigeants du Nord.
Il convient également de se demander ce que signifie « influence au G20 ». De nombreux dirigeants africains soulignent l’importance de la représentation et de la visibilité au forum plutôt que de l’influence. Mais la visibilité doit être un moyen pour parvenir à une fin et non un but en soi. Les experts ont déclaré à ISS Today qu’ils pensaient que l’établissement d’un agenda était possible pour l’UA.
L’influence de l’Afrique peut être renforcée en intégrant au G20 les positions des pays du Sud visant à surmonter l’exclusion de la croissance, les vulnérabilités liées à la dette, les adversités liées au changement climatique et des organismes multilatéraux plus équitables. De cette manière, l’influence de l’UA serait progressive et pragmatique.
Cette approche ne se traduira pas nécessairement par une réforme de l’Organisation mondiale du commerce, de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international. Pour cela, l’UA devrait chercher à rendre davantage compte du respect des décisions non contraignantes du G20.
L’adhésion au G20 de l’UA pourrait également améliorer la cohésion interne des États africains et des parties prenantes en matière de gouvernance économique et financière mondiale. Avec les deux prochains sommets au Brésil (décembre 2024) et en Afrique du Sud (décembre 2025), la coopération Sud-Sud sera probablement le moteur des deux agendas.
L’UA doit agir rapidement pour préparer une participation efficace, par exemple en finalisant les décisions sur les Sherpas et les sous-Sherpas, en organisant des négociations préalables au sommet et en garantissant la continuité.
Des partenaires tels que l’Agence de développement de l’UA – Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs et la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique sont des partenaires utiles pour aider à développer des positions africaines communes.
L’expérience de l’Afrique du Sud en tant que seul pays africain membre du G20 sera également cruciale. Des conversations sont déjà en cours pour partager des expériences et des enseignements avec l’UA.
Malgré le format informel du G20, les États africains doivent permettre à l’UA de dépasser son poids (économique) au sein du forum mondial. Cela nécessitera des négociations engagées pour parvenir à un accord sur les positions africaines qui pourront être défendues de manière cohérente par une Commission de l’UA habilitée.
Article source : What kind of influence can Africa wield at the G20?