L’Assemblée nationale vient d’augmenter de 15% la dotation matérielle des députés (DMD), une enveloppe spécifiquement dédiée aux frais de téléphonie, de taxis/VTC, et d’affranchissement du courrier. Auparavant fixée à 18.950 euros annuel, celle-ci s’élève donc désormais à 21.700 euros.
Dans ce contexte de crise, de « guerre » selon Jupiter lui-même, sans précédent depuis 1945, une initiative qui sème la sidération.
Au moment où tous les indicateurs sociaux tels que la pauvreté, la précarité, la promiscuité, l’isolement, les inégalités virent au rouge cramoisi, il y a comme un malaise. Et c’est un euphémisme. Sur ce point, s’en remettre au rapport 2021 sur le Mal-logement de la Fondation de l’Abbé Pierre et qui s’alarme du choc provoqué par la Covid-19 comme »bombe à retardement ».
D’autant comme l’a dit Bruno Le Maire en matière de faillites donc de crise sociale « le pire est à venir. »
Il n’y a pas de mots pour décrire ce découplage entre la vie politique et la vie réelle.
Au-delà d’être écœurant, ce vote est incompréhensible car seuls 39 d’entre eux (sur 577) avaient consommé la totalité de leur DMD en 2019. Son utilisation est en baisse significative.
Mais au fait, pourquoi se gêneraient-ils ?
Jamais les libertés en temps de paix n’ont été autant restreintes. Sans vague des Français.
Jamais la démocratie n’a été autant menacée en temps de paix par ses propres élus dont ils tirent leur pouvoir de la souveraineté du peuple. Sans vague là aussi des Français.
Jamais une crise n’a produit et produit autant d’effets sociaux dévastateurs en temps de paix. Toujours sans vague des Français.
Soit aucune mobilisation de masse, des syndicats aphones pourtant d’ordinaire si prompts à crier l’appel à la grève, pas de désobéissance civile des organismes représentants des milliers de professions proches de l’asphyxie.
La ou certains parlent d’esprit civique, saluent la discipline des Français, d’autres dénoncent une servitude. Ou placer le curseur ?
Sans parler que le gouvernement a acheté le silence de ces acteurs en versant ces aides financières, selon le principe du quoi qu’il en coûte. La preuve, le flop de l’appel de restaurateurs à la la désobéissance civile.
Sans réaction du peuple à la hauteur de ce contexte inédit et qui aboutit à l’effondrement de la société, face à cette apathie, pourquoi les élus se gêneraient-ils ?
Comme disait Coluche « tant que je gagne je joue. »
Tels les dictateurs face aux démocraties amorphes après un premier coup audacieux, ils poursuivent leurs plans conquérants et agressifs.
Face à une société inerte, il faut croire que les députés sont animés du même état d’esprit.
Un jeu dangereux, cependant. Car il faut se méfier de l’eau dormante.
Ce n’est peut-être pas en investissant la rue que les Français risquent de leur faire payer cette attitude totalement inconséquente par les temps très durs qui courent.
Mais par les urnes. Et la menace se précise comme l’ont révélé les derniers sondages avec Marine Le Pen faisant jeu égal avec Macron au second tour de la présidentielle.
De cette défiance au plus haut, le risque n’a jamais été aussi grand qu’elle se convertisse en haine du peuple envers ses élus.
Mais visiblement ces signaux alarmants, ils les ignorent. En dignes héritiers de leurs prédécesseurs au pouvoir.
Un comportement qui fait montre d’une incroyable imprévoyance.
Or « en politique, imprévoyance et décadence sont synonymes. » Émile de Girardin ; Les pensées et maximes (1867)